Nous voilà arrivées au Laos. Quelques kilomètres après la frontière, la majorité des touristes se posent sur les 4000 îles pour ne rien faire d’autre que profiter de l’eau du Mékong. Nous faisons le choix de ne pas nous prélasser et continuons la route jusqu’à Paksé, 2h de route plus au nord. A notre arrivée, en pleine après-midi, la première impression est :  « c’est une ville morte ici ! ».

Effectivement, la ville n’a rien d’attrayant mais tous les touristes louent un scooter pour se rendre sur le plateau des Boloven. Deux circuits de 2 à 5 jours sont vantés par tous les guides de voyage alors nous partons de bon matin, direction les plantations de café.

Une heure de route et déjà un stop dans une coopérative où nous dégustons un café bien noir et bien glacé. Une autre heure de route et le Lonely Planet conseille un nouveau stop chez Mr Vieng Fresh Organic Coffee. Un chemin de terre rouge nous mène jusqu’à sa maison. Nous nous avançons, deux scooters sont garés, des touristes nous ont précédées ! Des petites tables en bois et des chaises à palabre sont joliment disposées, l’espace a l’air tout de suite très accueillant. On commande des cafés, que Noï, la femme de Vieng, nous apporte avec des bananes et des peanuts. Rapidement, le dialogue s’instaure avec les touristes de passage qui nous vantent la visite des plantations qu’ils viennent de faire avec le propriétaire des lieux. Il est 3h de l’après-midi et c’est vrai, finalement, on n’y connaît rien à ces plants donc nous partons visiter. Mr Vieng parle parfaitement anglais, il est plein d’humour et généreux en explications. L’arabica, le robusta et surtout le liberica n’ont plus de secret pour nous. Bilan, l’après-midi touche à sa fin, il est possible de dormir sur place, les autres touristes hésitent à bouger, nous, nous décidons de nous poser.

La nuit arrive, nous restons seules avec Noï, Vieng et leurs deux filles Ning et Nun de 8 et 9 ans, qui se montrent très distantes. Installées toujours à la même table, nous profitons de ne rien faire et trouvons l’endroit de plus en plus paisible. Noï nous apporte le dîner : assiette de riz, « jardinière de légumes » au lait de coco et crudités. Un délicieux festin ! A l ‘étage de la maison, nos couches ont été préparées, chacune un matelas sur le sol et une grande moustiquaire. Premier constat : l’endroit est d’une propreté incroyable alors que la terre rougit tous les espaces dans les alentours.

6h, premier réveil. Vieng dort encore mais Noï balaie entre chaque table, enlève les feuilles arrivées pendant la nuit. Elle prépare notre petit déjeuner et enchaîne par du tissage. Elle répète des mouvements incompréhensibles et tente de nous les expliquer avec le sourire. La matinée passe et les premiers touristes arrivent pour un café. Noï ou Vieng les servent et s’éclipsent. Nous papotons entre occidentaux : « Vous venez d’où ? Vous faites le grand tour ou le petit tour ? ». Puis les gens repartent, nous restons.

Dessins, lectures, hamacs, la journée passe. Vieng commence à pilonner des grains de café pour retirer les peaux. Tiens tiens, ça devient intéressant, on va être obligées de rester encore. Deuxième soirée avec la famille, on finit par trier les grains de café avec eux. On ne doit pas être mauvaises car ils valident notre travail.

Au réveil, Vieng commence la torréfaction des grains de la veille. Armé de deux spatules en bois, une dans chaque main, une sorte de wok posé sur un petit barbecue en terre, il tourne sans s’arrêter. Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure que les grains prennent leur couleur marron, après des passages par le vert et le jaune. Noï prend alors le relais pour faire refroidir les grains et enlever la pellicule brûlée. Elle finit par les trier à nouveau, un par un. Seuls les grains « parfaits » resteront. Deuxième fournée, nous sommes toujours aussi captivées et nous profitons surtout de l’odeur.

Une nouvelle fois, le repas du midi est partagé avec la famille. Tous assis sur la paillasse en bambou, les mains plongées dans les plats collectifs. L’après-midi passe à nouveau et des touristes font leur apparition. Deux italiens, Lapo et Vittorio s’arrêtent boire le café et éprouvent la plus grande difficulté à redécoller. Deux français, Antoine et Elo, accompagnés de Jonathan, italien, nous rejoignent. Et toujours la même question « vous faites le grand tour ou le petit tour ? ». Et nous de répondre « euuuuh, le grand normalement… ». La soirée se poursuivra avec tout ce petit monde, tantôt en français, tantôt en anglais ou en italien. Tout le monde voyage depuis longtemps et l’échange d’anecdotes est riche. Bilan, la discussion durera jusqu’à 3h du matin, notre veillée la plus tardive depuis quatre mois !

Le lendemain, après ces quelques jours d’inactivité, nous accompagnons la troupe vers les cascades de Tat Lo : baignade, rigolade, poilade (et bilharziose…). Mais déjà Vieng et Noï nous manquent et nous retournons chez eux, seules, les autres poursuivent le grand tour.

A notre retour, deux français et une américaine boivent le café et nous interrogent : « vous faites le grand tour ? » « – euuuuuh non, nous, on habite ici ». Une heure de bavardage a suffi à convaincre tout le monde de rester pour la nuit. Et oui, après 4 jours, nous sommes devenues le service communication du couple ! Lors de l’arrivée des touristes, nous avons presque l’impression de recevoir des convives.

Le lendemain au réveil, nous sommes invités à une cérémonie de mariage Katu, l’ethnie minoritaire dont fait partie Vieng et Noï. Nous devons assister au sacrifice d’un buffalo, rite animiste auquel on ne peut déroger. La bête est déjà attachée à un poteau, près de la maison du marié. Tout le village de Ban Houay Oun est réuni, on fait un peu tâches mais les sourires nous déstressent. Il faut bien avouer que le regard du buffle est difficile à supporter. On a tellement l’impression qu’il nous implore de le libérer. L’attente est un peu longue au milieu des villageois. Vieng vient nous chercher, nous fait monter dans la maison, les hommes semblent en pleine réunion et les femmes s’activent près des gamelles. Elles nous invitent à nous asseoir près d’elle : « aïe, là, on est mal, ça sent le traquenard… ». Ça ne manque pas, elles nous servent des morceaux de viande bizarres « Mon dieu, de la couenne de cochon avec plein de poils dessus ! ». Il est 9h du matin, la nausée est proche mais on ne peut refuser. On mange du bout des doigts, les femmes doivent le sentir alors elles nous offrent de la bière (chaude) pour faire passer le tout… Puis du poisson « oh mon dieu, ce coup-ci, on va décéder avant le buffalo ! ». Toujours du bout des doigts, on avale. La cérémonie du sacrifice commence et nous sauve, on s’enfuit littéralement de la maison ! D’un coup de lance dans le cœur, le buffle est sacrifié, c’est impressionnant !

Il est bientôt midi, la route est longue jusqu’à Paksé alors nous quittons Vieng et Noï, vraiment émues et une grosse boule au ventre.

Nous n’avons finalement rien vu du plateau des Boloven, ni le grand tour, ni le petit ! Mais nous avons adoré nous prélasser à « Mr Vieng Fresh Coffee » et partager des moments avec cette jolie famille. Oui, on est vraiment tombé sous le charme…

Bref…

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