1er septembre 2014
Aucune personne de notre entourage n’est censé ignorer que, dans une autre vie, avec Pascale, nous avons eu des carrières footballistiques aux palmarès incontestés ! On aime le football, on aime le regarder, on aime y jouer (et on aime les 3ème mi-temps…).
Alors, quand nous nous sommes décidées à aller au Pérou, nous nous sommes rappelées d’un très beau reportage de Carmen Butta, diffusé sur Arte en 2009 : “Les footballeuses des Andes”. Des femmes, dans un village reculé à quelque 4000 m d’altitude en plein coeur des Andes péruviennes, pratiquent ce sport en habits traditionnels, chaque jour, après leur dure journée de travail et d’éducation des enfants. DINGUE !
Ni une, ni deux, nous avons donc inscrit dans notre “To do List Pérou” : chercher le village de Churubamba. Et on a fait plus que le chercher puisque nous l’avons trouvé. Et la tâche n’a pas été facile car deux villages de Churubamba existent au Pérou et les infos récoltées sur Internet sont plus que maigres. Mais notre persévérance et notre envie ont été récompensées : le village de Churubamba se trouve dans le district de Andahuaylillas, à à peine une heure de Cusco !
Fin prêtes après une prépa physique intense (merci Colca et Machu), nous voilà donc parties pour la ville d’Andahuaylillas, connue particulièrement pour son église. Encaissée entre les montagnes, la petite bourgade est accueillante, chaleureuse. Un gentil monsieur de la municipalité nous écoute patiemment :
“Nous avons vu un documentaire sur les footballeuses de Churubamba. Nous sommes également footballeuses et souhaiterions savoir s’il est possible de les voir jouer, de leur parler, voire même de jouer avec elles.”
Le monsieur prend notre demande au sérieux mais nous apprend que la plupart des femmes du village sont “en ville” pour les inscriptions de leurs enfants à l’école. Nous sommes lundi et personne ne compte remonter avant vendredi (le village se trouve à environ 3h30 de marche). Ce n’est pas grave, l’employé municipal nous arrange un rendez-vous avec le chef de Churubamba en personne en début d’après-midi. DINGUE !
On ne pouvait espérer mieux. Particulièrement moi qui reste très excitée à l’idée de pouvoir faire un match à 4000 m d’altitude, à l’autre bout de la terre. Partager un moment inédit avec ses femmes exceptionnelles me donne une pêche incroyable. La passion du sport, du football. Rencontrer, s’amuser, partager.
Après quelques heures d’attente, nous avons donc l’honneur de faire la connaissance du “Presidente de la Comunidad de Churubamba”. En présence de deux autres personnes de la communauté qui travaillent à la mairie et qui nous traduisent du quechua en espagnol, nous répétons à nouveau les raisons qui nous ont menées ici : passion, curiosité, divertissement.
Il n’aura pas fallu cinq minutes avant d’entendre de la bouche du chef “dinero” (ndlr pour les non-hispaniques : “dinero” = “argent”) puis “propina” (= pourboire). Aaaaaah… Comment dire… En réalité, nous ne l’avions pas vu comme ça…
“Nous voulons juste savoir s’il est possible de voir jouer les femmes du village.”
“Oui, on peut vous organiser un match mercredi ou jeudi mais il faut donner de l’argent. Et si vous voulez filmer, prendre des photos…”
“Mais nous ne sommes pas journalistes ! Nous voulons simplement partager notre passion du football. Les femmes ne jouent pas tous les jours ?”
“Ah non, seulement pour des événements !”
Des “événements” ? Un événement est-il donc synonyme d’un match de gala organisé pour récolter des fonds ?
Les femmes ne veulent pas qu’on les prenne pour des bêtes de foire (pour rappel, elles jouent en pulls, jupes, jupons et sandales en pneu) mais n’est-ce pas justement les prendre pour des bêtes de foire que de les exposer pour des “événements” ?
“Désolées, nous pensions que les femmes jouaient régulièrement et qu’il aurait été possible de les voir. Mais si vous nous dites qu’elles ne jouent que pour des événements, ça nous paraît compliqué… Et on ne veut pas donner de l’argent.” DINGUE !
Aïe, le gringo n’est pas une vache à lait ? Et non, Monsieur le Président. A défaut de paraître sans cœur et sans aucun humanisme (ce que nous ne sommes pas, j’en suis persuadée), nous ne souhaitons pas entrer dans ce jeu-là (une photo = 1$). Et c’est bien dommage car si nous avions eu l’opportunité de rencontrer ces femmes, de jouer avec elles, nous aurions été ravies de partager un repas…
Nous sommes donc reparties pour Cusco, dans notre petit bus local, avec ce goût amer d’être passées à côté de quelque chose : d’une belle rencontre probablement. Bref, business is business !